Poulenc, années vingt. De la modernité vers l'origine
Abstract
Ce texte pourrait aisément se voir replié sur cette seule question : quelle musique composer en la sortie de guerre ? Poulenc a maintes fois repoussé d'une pirouette toute interrogation sur son inspiration : « Mon "canonˮ, c'est l'instinct ». Réponse attendue pour un compositeur enclin à se peindre sous les traits d'un artiste incréé n'obéissant qu'à des nécessités d'ordre intérieur. Cependant, la formation de compositeur du jeune Poulenc est encore bien fragile en ce début des années vingt. Le hasard des amitiés et le don de sociabilité lui ont permis de figurer professionnellement dans un champ musical très concurrentiel, à travers un groupe que la postérité associe à une esthétique de la légèreté qu'il ne pouvait faire que partiellement sienne. « À Paris, la place était libre. Nous l'occupâmes, écrivit Jean Cocteau. Dès 1916 commença notre révolution » ; « Un météore de rires, de scandales, de prospectus, de dîners hebdomadaires, de tambours, d'alcool, de larmes, de deuils, de naissances et de songes [étonna] Paris entre 1918 et 1923 ». Certes. Mais il ne faudrait néanmoins pas oublier que les « Six » appartenaient à la génération de la Guerre industrielle, de la brutalisation, du deuil. La sortie de guerre s'accompagna de ce que Charles Koechlin, qui avait alors pourtant dépassé la cinquantaine, appela une « nouvelle vie des coeurs, […] une transformation de la société ». Cette génération assista au grand déménagement du monde, elle vécut l'arrivée du jazz, les danses nouvelles, elle savoura les revues à grand spectacle, les fêtes foraines, découvrit les danses et les musiques lointaines. Un bouleversement qui s’étalonna jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale. On pourrait le mesurer à moindre frais comme un maelström de deuil et de souffrance, de frivolité et d’étourdissement.
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